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journal intime - Page 3

  • " L'adieu au guerrier."

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    J’étais à peine majeur lorsque je rencontrai le garçon pour lequel je commis ma première folie amoureuse.


    Nous l’appelleront « Le Pacha » puisqu’il répondait au grade de quartier maitre dans la marine nationale.


    Le terme de « Pacha » dans l’argot des marins désigne le commandant d’un navire. Or commandant de navire, il l’était comme moi danseuse nue au « Crazy Horse ». Cependant ce surnom me semblait parfaitement convenir à sa nature dolente comme à son gout prononcé pour la plus parfaite oisiveté ; je l’aimais en tous cas beaucoup plus que celui officiel de « Crabe » qu’il devait aux chevrons rouges de son insigne de grade rappelant les pinces d’un crustacé.


    Nous nous rencontrâmes au « Queen » ; un Dimanche si je me souviens bien ; aux temps bénis ou pour accéder à ce saint des saints nous classant définitivement parmi les gens « in » , nous acceptions , de bonne grâce, d’être traités comme les voyageurs du métro New Yorkais , un Vendredi soir veille de fête , à l’heure ou des milliers de bureaux vomissent dans la rue des centaines de milliers d’employés , ou certains , moins jeunes , moins jolis ou moins rusés que nous ne l’étions , payaient à prix d’or des consommations que les serveurs , distraits , leur apportaient ou non selon leur humeur .

    La nuit largement entamée, j’étais saoul à ne plus savoir comment je m’appelais ; mais pas au point de laisser échapper cet immense gaillard, les cheveux taillés ras ; la mâchoire carrée ; les yeux légèrement fendus en oblique d’un bleu intense et liquide dans lequel on aurait aimé nager vers la promesse d’une ile.


    Vêtu d’un pantalon à pinces de toile noire comme on en faisait plus depuis 1982, d’une sage chemisette blanche boutonnée jusqu’au col, il dansait gauchement parmi les folles à boas et les athlètes en strings, indifférent aux mouvements de la foule comme au rythme de la musique.


    Je le trouvais emprunté, maladroit, provincial ; bref terriblement attendrissant.

    « - On dirait Balloo du « Livre de la Jungle » ; se moqua David à mon oreille.


    Je lui assénais une petite tape amicale sur la joue.


    « - Dans ce cas, je veux bien être son Mowgli.
    « - En plus, tu as vu la touche ? Je te parie qu’il est hétéro ! objecta mon empêcheur de draguer tranquille.


    J’esquissais un sourire que je voulais insolent.
    « - Raison de plus !

    Hétéro, il ne l’était manifestement pas, puisque trente secondes plus tard, après avoir feints de trébucher contre sa large poitrine (« Pardon, je suis un peu saoul ») je titillais de ma langue le fond de sa gorge sans qu’il songeât à me flanquer l’avoinée que mon impertinence méritait.

    A la fermeture, nous l’embarquâmes ; sans nous soucier de lui demander son avis, ni de savoir s’il était accompagné ou non ; chez David, dont le père, producteur de cinéma, absent pour cause de tournage Africain ne risquait pas de venir troubler nos turpitudes : autrement dit dans l’appartement mitoyen de celui ou mon propre géniteur et son épouse feignaient d’ignorer les bacchanales orchestrées de l’autre coté de la cloison.

    Tandis que nos pseudos amis s’achevaient gaillardement à coups de shoots de Téquila et de rails de coke, « le Pacha » et « Mauvaise. Graine » s’enfermèrent à double tour dans la chambre d’amis ou, bien entendu, ils jouèrent à la bataille navale jusqu’au lendemain matin.

    Quoi qu’il en soit, quant à des raisons suffisamment évidentes pour que je m’abstienne de les énumérer ici, il ne me fallut pas mille ans avant de me découvrir amoureux dans toute la splendide inconscience, la merveilleuse voracité de mes dix huit ans.

    « Le Pacha » brulant des mêmes feux, s’en suivirent six jours de folle passion, passés essentiellement à faire l’amour avant que le glas d’un départ annoncé ne vienne tempérer nos priapiques ardeurs.

    Je vous épargnerais la litanie des « ne me quitte pas » et autres « mais je ne pourrai jamais vivre sans toi » que nous déroulâmes à plaisir telle la bobine d’un mélo-raclette ; nos adieux déchirants sur un quai de gare , ma course éperdue dans le sillage de ce train qui emportait mon amour vers Toulon, sachez simplement que si un jour on tire un film de cette histoire il faudra impérativement vendre des kleenex pendant la projection sous peine de voir la salle noyée avant la fin du premier quart d’heure.


    S’en suivirent deux semaines de correspondance tragique, de coups de fil désespérés, avant que je ne me décide, ma vie m’étant devenue intenable, Paris haïssable, à tout plaquer pour rejoindre mon homme aux rives de la plus belle des mers du monde.


    Mon Saint homme de père tomba des nues lorsque je lui annonçais ma décision.


    « -Tu es saoul ? Drogué ? Malade ? Tu me fais un poisson d’Avril au mois de Mars ?


    Je le rassurais aussitôt : jamais je n’avais été plus sérieux.

    « -Et de quoi comptes tu vivre à Toulon ?


    J’objectais que je trouverais un job. Après tout travailler ne devait pas être bien terrible puisque plein de gens s'y risquaient.


    Ricanement du paternel.


    « - Parce que tu sais faire quelque chose de tes dix doigts ! Voilà qui est nouveau.


    En dépit de ma mauvaise foi, je convins qu’il n’avait pas tort.
    « - J’espérais que tu accepterais de m’aider financièrement.


    Pour la toute première fois mon père me dévisagea avec sévérité.


    « - Tu es majeur, je ne peux donc légalement t’empêcher de partir si tel est ton désir. Mais sache que tu fais une énorme bêtise. Tu te crois grand, tu te crois fort, tu te crois amoureux d’un garçon que tu ne connais pas, tu te crois armé pour la vie à deux et ses petites misères, vas mon fils, vie ta vie, seulement ne compte pas sur moi pour t’aider à te fourvoyer ! Et puis Toulon, franchement ! Tu n’y tiendras pas huit jours !


    J’y teins huit mois.


    Suite au refus de mon père, je m’en allais pleurnicher auprès de mes tantes, lesquelles nourries de romans roses et de films Hollywoodiens, compatirent à ma misère, acceptant même de me doter d’un joli magot aux conditions expresses que je taise leur rôle dans mon escapade et que je promette de leur téléphoner tous les jours.


    Je partis donc d’un cœur léger et retrouvais mon « Pacha » avec transports, bien décidé à gouter sans limites aux délices d’un amour conquis de si haute lutte.

    Hélas, je ne tardais pas à réaliser que si j’aimais sincèrement « Le Pacha », l’amour, l’amour avec « Le Pacha », j’aimais encore mieux mon confort et mes aises et que la passion dans 20 m2 avec chiottes sur le pallier, eau chaude uniquement entre sept et huit heures du matin, lorsqu’en plus il faut se farcir les courses, le ménage et la bouffe ; cette passion là possédait un léger gout de rance auquel mon palais de fin gourmet ne s’accoutumait pas.


    Toulon ; mon père avait raison ; et j’en demande pardon aux Toulonnais si toutefois certains d’entre eux me lisent, n’est pas une ville bien agréable, ni bien folichonne.

    Bref je m’y emmerdais à cent sous de l’heure et ce n’était pas un semblant de milieu gay -composé pour l’essentiel d’un bar, « Le Texas », lui plutôt sympathique ; d’un resto dont par charité Chrétienne je tairais le nom et d’une boite, « Le boy z Paradise », ou des travelos de l’âge de ma grand-mère se produisaient sur des chansons d’Annie Cordy - qui risquait d’enjoliver mes humeurs maussades.

    Mon orgueil m’interdisant toute marche arrière je rongeais mon frein jusqu’à ce que « Le Pacha » ne vienne m’annoncer, le teint cendreux et l’œil humide, qu’il embarquait à destination de Djibouti pour une escale de six mois.


    Je ne me souviens pas de ce que je ressentis à ce moment précis ; sans doute un lâche soulagement ; mais voici ce que je notais dans mon journal intime à la date de son départ :

    « Il s’en va.
    Il part sur la mer indigo à bord d’un navire blanc fierté de notre marine Nationale.
    Il ne reviendra pas avant de longs mois.
    Destination Djibouti.
    J’ai regardé dans un Atlas ou ça se trouvait.
    C’est loin, très loin …….
    « Le Pacha » pleurait tandis qu’il me serrait à me briser contre son grand corps massif.
    Il disait des bêtises, il disait des guimauves.
    Il disait qu’il avait peur. Il ne savait pas de quoi. Il ne savait pas pourquoi.
    Il voulait me faire l’amour, encore une fois, avant de me dire adieu.
    Je l’ai trouvé laid comme un homme qu’on aime plus.
    « - Tu m’attendras, suppliait il, tu ne me tromperas pas !
    J’ai promis tout ce qu’il a voulu, mais in petto je me disais « Pars tranquille, mon grand, je n’ai jamais autant envie de te tromper que lorsque tu es là. »

    Le bâtiment emportant « Le Pacha » n'avait pas quitté la rade Toulonnaise que déjà j’embarquais pour Paris ou mon père me reçu sans un commentaire, sans un reproche.


    "Le pacha" m'écrivit des mois durant sans même que je daigne ouvrir ses lettres.


    Puis il téléphona.


    Je lui fis répondre que j'étais décédé dans la paix du Christ Roi.


    Parfois, il me plait à imaginer qu'il espère encore ma résurrection.


    En revanche au cours des semaines qui suivirent je refusais systématiquement de sortir avec tout garçon qui habitat à plus d'un jet de pierre de mon XVIème natal.

  • " Oral Sexe et petites contrariètés."

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    1998

    J’étais en cette époque bénie, étudiant à Nanterre (comprenez par là inscrit à l'Université, car sans boussole ou cardan j'eus été bien en peine d'en indiquer les bâtiments, tant je m'y montrais assidu.).
    Ivre d’indépendance et friand de minets libidineux, j’avais quitté le domicile paternel pour m’établir dans un appartement de la rue d’Aboukir dont le loyer m'eut couté la peau du derche si j'avais dut le payer de mes deniers.
    Mon papa adoré, bien évidement, assurait plus que généreusement ma subsistance, cependant, m’aurait il refilé les milliers de millions de milliasses de talbins que sa jeune et ravissante épouse claquait chez les couturiers que je n’en aurais encore pas eut assez.


    Je vivais, il faut bien le reconnaître, de nuits champagne en après midi shopping, un chouia au dessus de mes moyens et carrément à chrome s’il fallait en croire les somations de mon banquier lequel, en d’autres temps et sans remords, eut volontiers envoyé ma tête à vent valdinguer au massicot.

    De sottises en incohérences je me retrouvais très rapidement dans une situation financière à peine moins dramatique que le final Moldave d’une saison de « Dynastie ».

    (NDA : l’ensemble du casting sulfaté à l’Avtomat Kalachnikova modèle 1947, plus communément appelée AK-47 ou Kala pour les intimes, durant les épousailles d’Amanda Carrington, la fille cachée de Blake et Alexi, avec un prince d’opérette. Bilan de la tragédie : deux figurants virés.)



    Quatre solutions s’offraient alors à moi pour sortir de la mouise :

    - 1) Renoncer à sortir toutes les nuits ce qui était impensable ; autant prendre, la bure, le cilice et enterrer vivants mes vingt carats dans quelque Abbaye cistercienne perdue aux fins fonds de l’Auvergne.

    - 2) Continuer à sortir toutes les nuits mais attifé pire qu’une mendiante Péruvienne après un séisme de magnitude neuf sur l’échelle de Richter, or si le vêtement que je porte avec le plus de chic et de désinvolture reste encore une paire de bras d’hommes, les linges griffés ne me siéent pas mal non plus pour l’immense malheur de mon portefeuille et l’ineffable rayonnement de mon égo.

    - 3) Me prostituer ; j’avoue y avoir sérieusement songé et n’eut été mon dégout pour la chair flapie des michetons dont j’acceptais déjà assez mal qu’ils me prissent la main après avoir fait péter la roteuse , peut être aurais je connu une carrière honorable dans la galanterie.

    - 4) Me dégauchir fissa un colocataire potable, entendez par là solvable, propre sur lui, point trop brise burettes, évidement pédésexuel et suffisamment moche pour que je m’abstienne de lui sauter dessus les soirs de grande désespérance.

    David eut parfaitement convenu (hormis pour le coté moche, Dave mon amour ne me fais pas dire ce que je n’ais pas dit) si ce lâcheur ne s’en était allé tâter de la miche Yankee sur le campus d’une Université Californienne ou il se formait aux métiers du cinéma.


    Confronté à l’embarras du mauvais choix je me décidais finalement en faveur du pire.
    Gianni le Baltringue, dit « Mistinguett », dit « La Miss », vendeur en prêt a porter la semaine, gambilleuse le week end dans un bouge à travelo bien connu ou il/elle s’illustrait dans un Cancan frénétique laissant à penser qu’il/elle ne possédait pas de colonne vertébrale, et pire colporteuse de ragots, de fables, de contes que notre Sainte Gallia du Charlat.


    Pas mauvaise carne au demeurant.


    Rusée, matoise, plutôt finaude en dépit d’une inculture qui lui faisait prendre Sean Penn pour la capitale du Cambodge et le groupe « Boney M » pour une taille de soutiens gorges, d’une honnêteté toute relative, bien qu'étonnamment franche et fidèle dans ses amitiés.


    Notre cohabitation se passa pour le mieux jusqu’à ce que « La Miss » s’entiche d’un asticot de banlieue quasi pré -pubère, mince comme un soupir cependant doté selon la rumeur d’un engin de torture digne de l’inquisition Espingouine, engin dont il se servait, toujours selon la rumeur, sans la moindre imagination mais avec une endurance remarquable.


    Bref une peine à jouir, monté comme le bourricot de Buridan, sans gène ni éducation et stupide au point que si l’on avait du sonner les cloches à chaque fois qu’il disait une connerie, plus personne ne se serait entendu penser.


    A part ça un bien charmant garçon que ce José, tant et tellement serviable que je le trouvais un matin ou une après midi, je ne sais plus, en tous cas à mon réveil posé sur la courtepointe de mon lit avec la grâce bovine d’un crapaud buffle sur une feuille de nénuphar.

    Alerté par cette présence inhabituelle je soulevais un vasistas de plomb sur un œil aux allures d’huitre avariée. Bien que l’esprit me manquât encore, je notais la présence d’un soleil vert et acide aux fenêtres de ma chambre, la frime enfarinée de l’autre crève-la-dalle, le tressaillement maladif de ses doigts aux ongles rongés et me payais le tracsir de ma vie en imaginant la gouape venue me suriner ou pire caser son démonte pneus dans les profondeurs de mon haillon, quoi qu'il en soit bien trop étroit pour contenir la chose.


    « -Qu’est ce que tu branles ici, connard ! Beuglais-je d’une voix qui ne devait ses inflexions males qu’à mes abus d’alcool et de tabac. Tu ne sais pas que ma chambre est out of limits, forbiden, verboten, vietata, prohibita ; IN-TER-DITE ! D’abord qu’elle heure il est ?


    José s’agitait comme s’il avait besoin de se secouer le mérinos.
    La mine chiffon, il chignait des châssis, respirait bruyamment, se mordait les limaces, transpirait aussi un peu des aisselles à en croire l’exquis fumet de gigot à l’ail qui peu à peu se répandait dans la pièce.


    « -s’cuse de te réveiller, finit il par lâcher, mais y a urgence !


    Avec une plainte pitoyable de bébé phoque à l'agonie je me réfugiais sous mes couvertures.


    Je connaissais le modèle par cœur. Le golio s’était, une fois de plus, engrainé avec la Miss et comptait sur moi pour arbitrer, une fois de trop, leur eternel match de catch.


    Rassuré de ne pas s’être ramassée une giroflée, le lascar, à présent s’autorisait toutes les hardiesses.


    « - Allez, feignasse, bouge-toi ! Y a péril en la demeure je t’ais dit !
    « - Tu permets tout de même que je boive un caoua ?


    Péniblement je trainais ma carcasse avinée jusqu’ à la cuisine, enclenchais la machine à expresso.
    Le café coula, crémeux, onctueux, odorant.
    Me revinrent des images d Afrique, celles de grandes Ivoiriennes aux visages impassibles assises très droites à l’entrée de leurs cases, occupées à griller les gros grains craquants du café-vert sur des braseros ou brulaient d épaisses feuilles de Bananier.
    Dans mon dos le ramier trépignait d’impatience.


    Dix huit ans aux quetsches, petit animal immature et amoral que la Miss avait ramassé dans un bar à vioques ou il allait aux asperges pour le prix d’un jambon-beurre, il m’eut attendrit si j’avais possédé ne serait ce que le quart de la moitié d’un cœur.


    « - Quel est le problème ? Ta vieille n’a pas voulu brosser ? Demandais-je, histoire d’en finir le plus rapidement possible.
    « - bé, elle peut pas trop la pauvre ! Elle a, comme qui dirait, le fignédé en chou fleur en ce moment ! Non, y a pire !


    Encore chargé d’avoir un peu trop fait la fête aux chapelles, j’avais beau creuser le vide abyssal qui me tenait lieu de cervelle, je ne voyais pas très bien ce qu’il pouvait arriver de pire à l’autre tarderie que de perdre, même momentanément, l’usage de son trou d’amour.


    « - Tu me promets que tout ça restera entre nous ? S’inquiétait le Jocrisse.


    Je posais une main virginale sur mon cœur d artichaut.
    « -Juré, craché, ça ne sortira pas d’Ile de France.


    Queue-d-âne prit une grande inspiration, puis, a toute hâte, comme on se lave d’une souillure il m’avoua l’invraisemblable vérité.


    « - La Miss ne sait pas sucer.


    A ce point du récit je me dois de vous préciser que si Gianni avait hérité du surnom de « Mistinguett », ce n’était pas tant en raison de son habileté à la gambille, ni à cause de la beauté de ses échasses, mais parce qu’il se trimballait en guise de dentition un clavier à dominos sur lequel on aurait put jouer du Chopin avec des gants de boxe sans risquer d’altérer la pureté de la mélodie.
    Comment voulez vous que doté d’un tel appareil à désosser les côtelettes l’infortuné puisse tailler une pipe convenable ?

    J’avalais une gorgée de café. Je souris les yeux dans le vague. Je songeais que décidément, ces rideaux vert bouteille, aux embrases des fenêtres n’allaient guère avec le papier peint des murs ; que je serais forcément à la bourre à tous mes rembours ; que le Château Lafiotte que j'avais décidé de servir au diner en accompagnement d'une tourte forestière n’était peut être pas le vin le plus approprié pour relever la saveur boisée des champignons ; que je m’en allais sur le champs occire ce petit con de José avec des raffinements de barbarie dignes d’un empereur Mongol .


    Calmement et sans cesser de sourire, je rangeais une mèche de cheveux derrière mon oreille (oui, à l’époque j’avais encore des crins !), chopais un paquet de Dunhill sur une étagère, y cueillis une cigarette que je n’allumais pas immédiatement.


    « -Et en quoi l’absence de prouesses buccales de ta morue me concernent elle ?


    L’allumette craqua dans un silence assourdissant.


    Face à mon apparente impassibilité, José s’enhardit un peu plus.


    « - Tu pourrais, comme qui dirait, genre, lui donner des leçons particulières. Ce serait pas du luxe, crois-moi. Faut voir comment elle s y prend, la pauvre. Elle mastègue, elle mordille, elle tousse, elle crache, elle bave et moi forcement je débande.
    « - Et sur quel " instrument " suis je censé faire ma démonstration ? Une banane ? Un concombre ? Un vieux gode des familles ? Ton chibre de concours ?


    Ma voix était à présent aussi claire et tranchante que le fil d’un sabre Musashi.


    « -Ben, non, t’es conne, rigola l’arsouille, j’ai pensé, comme qui dirait, que, peut être, tu pourrais lui montrer sur un de tes mecs.


    J’exhalais un nuage de tabac blond semblable à une bouffée de soulagement. Ainsi donc l’ignoble ne cherchait pas à m’escroquer d’une turlute gratos au saut du paddock !


    « - Quelle bonne idée ! Chéri, tu ne veux pas abandonner ton livre le temps que je te taille une petite pipe ? Au fait mon amour, ça ne t ennuie pas que la Miss regarde et prenne des notes ? Ou mieux; on lui fait une cassette vidéo ; comme ça elle pourra réviser, le soir à la veillée.


    Le charlot à sa mémère afficha une lippe penaude.


    « -Tu n es pas d accord, c est ça ?
    « - Tu as tout compris morveux ! Comme qui dirait, je ne suis pas d accord ! Je ne comprends même pas que tu ais l’audace de me demander une chose pareille !


    Le ton enflait dangereusement. Le gnome était à deux doigts de se ramasser la mandale qu’il méritait.


    « - Ben, comme tout le monde prétend que tu touches drôlement la bille en la matière ; alors je me suis dit, comme qui dirait .....


    Et Allez, en avant la musique! Une étiquette de plus sur les bagages de « Mauvaise. Graine », l’Einstein de la clarinette baveuse, l’Isabelle Adjani des amabilités fellatrices, La Madonna du pompe-dard, le Mozart de la flute à bec, celui qui a six ans déjà composait d’une langue mutine d’étincelantes variations sur les pipeaux dressés de ses petits camarades.

    Un prodige en somme !


    « -Décarre, José, fissa, si tu ne veux pas te damer un coup de boule ! !
    « -Allez, le prend pas mal. Entre copines, on peut se rendre service.


    Ma tasse à café manqua sa belle tète d imbécile de quelques millimètres.


    J’ignore s’ils ont résolu leur problème de turlute avec l’aide de sainte Rita ou celle du rebouteux du coin, mais ils sont, à l'heure actuelle, toujours ensembles.


    La Miss a probablement appris à sucer

  • " Prince des indécences."

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    Sans même se donner la peine de sonner, il est arrivé alors que je ne l’attendais plus.


    Mais à vrai dire, l'avais je réellement attendu ?


    Il a utilisé pour entrer une clé que je lui avais confiée du temps que nous grimions notre histoire de cul en histoire d’amour ; feignant pudiquement de ne pas remarquer que les paillettes se décollaient, que les fards viraient ou s’écaillaient comme sur un visage flétri qu'on aurait peint à la hâte aux couleurs de la jeunesse.


    Il ne me l’a pas rendue cette clé. Il ne me la rendra pas.


    Du reste je ne la lui demande même pas. Je ferais changer les serrures un jour ou l’autre.
    Disons plutôt l’autre.


    Je l'ai reconnu au bruit violent qu'a fait la porte lorsqu'il en a rabattu l'huis.
    Il n'y avait que lui pour claquer les portes aussi fort, à croire qu'il voulait par là s'interdire toute velléité de fuite.


    Tranquillement, j'ai refermé mon livre non sans en avoir corné une page qui n'en pouvait plus de l'être. Toujours la même page, toujours le même paragraphe, les mêmes mots que je relisais inlassablement et dont je vous parlerais peut être un jour.


    Il a pénètre dans ma chambre comme une bourrasque d’automne. Sur les pans de sa grosse écharpe rouge, dans les plis de son manteau noir trainait un parfum urbain de feuilles mortes et de goudron, de précipitation, d’urgence.


    Le parfum du dehors.
    Le parfum de Paris à la tombée de la nuit.


    Lui sentait le chèvrefeuille, les agrumes et le thé vert, les après midi paresseux.
    Il a vingt cinq ans, presque vingt six; des orages souvent sur ses histoires d’amour et l’éternité devant lui.
    Il est vrai qu’à son âge l’éternité est l'affaire d'une poignée de secondes.


    Il s'est laissé tomber plus qu’il ne s'est assit dans le fauteuil au courbes douces près de mon lit, mais cette chute n’était pas brutale.


    Fluide plutôt, flexible.
    Comme lorsqu'on tombe dans un rêve, Alice dans un puit.


    Je lui ai trouvé la grâce délivrée de toute pesanteur d'un nageur en eaux profondes.
    Ses gestes sont longs, son visage est lisse.
    Il a frissonné, s'est plaint d'avoir les pieds froids. Je lui ai fait remarquer que les petits garçons ont toujours les pieds froids.
    Il a levé une épaule pour me signifier que je racontais des bêtises.


    Je sais bien qu’il est frileux, qu’il aime le soleil. Le soleil sur cette plage de Sardaigne ou nous nous sommes connus, le sable rose et noir en damier et qui ne blesse pas tant son grain est poli, la mer tiède au couchant, infusée du sang vif des coraux, les maillots de bains turquoises ou Garances, trop étroit de chez Roberto Cavalli.


    La lumière crue lui sied; la quasi nudité.


    Il n’a rien à cacher.


    Il est beau comme un Italien, souriant et boudeur, gouailleur et taciturne, ombrageux et paisible, sensuel et aussi froid qu’un David de marbre. Le Caravage l’aurait peint sur fond d’obscurité. Claire tête d’archange, corps raviné d’ombres mauvaises, voyou Romain et prince Florentin ; un peu Cesare Borgia, un peu Giuliano de Médicis.


    Princier dans tous les cas.


    Il porte l’un des plus grands noms de France et fait mine de s’en moquer. Il définit ces prestigieux ancêtres comme un ramassis de putains royales et d’assassins en dentelles. Lorsqu’il évoque le monde dans lequel il a grandit, celui des chancelleries, des diners en habits, des châteaux en Touraine il en rit franchement.


    « -Qu’est ce que le « Monde » d’après toi ? Dix parents plus ou moins proches à Paris, dix parents éloignés à Londres, autant à Venise et Budapest ; tous déguisés en pingouins qui s’embrassent et se font des grâces dans la petit monde de leur monde et se détestent cordialement dés qu’ils en franchissent les frontières. »


    Je ne lui donnerais ni tort ni raison.
    Ce monde là, je ne le connais pas.
    Chez moi c’était la bohême et l’art du grand n’importe quoi.


    Il a soupiré longuement, pas bien heureux mais pas bien désespéré non plus. Il s’est arrache de son fauteuil pour rejoindre le lit ou me cloue ma cheville malade.

    En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, il était nu ce qui tenait de l’exploit olympique tant ce jeune athlète s'était couvert d’épaisses cotonnades et de souples flanelles pour se préserver d’un froid à givrer les marrons dans leur bogues.


    Lentement et sans me toucher il s’est allongé près de moi, son corps perpendiculaire au mien et a allumé une cigarette.
    Lui, c’est avant l’amour qu’il fume.
    Les yeux perdus dans les volutes bleues de son tabac blond il a parlé un peu de lui.

    De Prague dont il arrive, de Casa ou il s’en va.
    La cendre est tombée sur le drap sans qu’il s’en préoccupe.
    J’ai grogné, grondé pour la forme ; il a rit du bout des dents en me lançant un petit regard malicieux.


    « Je ne vais pas t’embêter longtemps, va ! »


    J’ai eut bêtement l’impression qu’il ne s’adressait pas à moi, qu’il n’y avait plus entre nous ce « pas-si-vieux » fond de souvenirs que l’on appelle bien prosaïquement de la complicité.


    « -Tu repars quand ? » j’ai demandé.


    Il s’est retourné sur le flanc, le bras tendu vers le chevet pour écraser sa cigarette dans un petit cendrier de porcelaine.


    « Quelle importance puisque je pars. »


    Puis sa main, sa petite main vigoureuse est venue effleurer mon torse. De l’index il a suivit le tracé de mon tatouage au dessus du sein gauche redessinant sur ma peau les longues cursives des mots « Mauvaise. Graine ».


    « - Et puis toi aussi tu partiras lorsque tu seras guéri. L’Afrique, la région des grands lacs .Tu vas te faire boulotter par les pygmées cannibales. » A-t-il ajouté avant de poser sa bouche là ou la décence m’interdit de le dire.


    Il s’appelle Chris et j'aurais put l'aimer s'il ne se défiait tant de cet amour.

    En même temps, si j'étais l'homme qu'il aime, je me méfierai!